Le talmud raconte que pendant les quarante années où Chimon hatsadik,le pieux, fut cohen gadol, grand prêtre, il ne consomma qu’une seule fois le korban acham nazir, le sacrifice d’interruption du nazir.
Pour comprendre ses motivations, les notions de nazir et de korban d’interruption demandent à être explicitées.
Un nazir est un homme ayant fait le vœu de respecter trois mesures de piété durant trente jours minimum :
- Ne pas se rendre impur au contact d’un mort selon les règles de la Torah.
- Ne pas consommer un aliment fait à base de vin ou de jus de raisin.
- Ne pas se couper les cheveux.
Si le nazir commet l’un des interdits à propos desquels il avait fait vœu d’abstinence pendant les trente jours, il devra couper ses cheveux et apporter un korban acham nazir, un sacrifice d’interruption. Après quoi, il recommencera le décompte depuis le premier jour et rendra effectif son vœu de nézirout.
Depuis le commencement…
Chimon hatsadik n’avait jamais osé goûter ce korban. En effet, il est important de souligner, qu’un Cohen Gadol qui consomme un sacrifice ne le fait pas pour le profit matériel mais en tant que délice spirituel émanant de l’intention pure de celui qui l’apporte.
Or, lorsque celui-ci voyait des nazir interrompre leur période de nézirout, il redoutait un manque de sincérité à l’origine de ce sacrifice puisqu’il est toujours plus difficile de repartir de zéro.
En effet, lors d’un nouveau départ, on est souvent enthousiaste. Mais s’il arrive que l’on doive recommencer notre entreprise depuis le début, on peut facilement se décourager ou ne serait-ce que perdre des forces en cours de route. Or comment consommer un korban dont les intentions n’honoreraient pas la vocation de rapprochement à D.ieu ?
Offrir sa beauté en cadeau
Le talmud précise que pourtant Chimon hatsadik a une fois consommé de ce korban. Dans quel contexte ?
Il s’agissait du sacrifice d’un homme venu d’une ville du Sud d’Israël. Celui-ci était d’une grande beauté, ses cheveux étaient longs et bouclés. Chimon hatsadik le questionna : « Pourquoi as-tu décidé de couper ces belles boucles en faisant le vœu d’une nézirout ? » Ou, en d’autres termes : « Pourquoi as-tu voulu devenir nazir ? »
Le bel homme répondit : « J’étais le berger de mon père qui faisait paître ses bêtes. Je leur donnais aussi à boire. Un jour, je me suis approché d’un ruisseau. J’ai vu dans le reflet de l’eau à quel point j’étais beau. À cet instant, de mauvaises pensées surgirent en moi. C’est ainsi que, pour corriger ces intentions, je fis le vœu d’offrir à D.ieu ces boucles et cette beauté. J’ai donc pris sur moi la nézirout.»
En entendant ces paroles, Chimon hatsadik se réjouit : « Merci à D.ieu de pouvoir avoir des nazir comme toi… Que ceux qui s’engagent dans la nézirout par des intentions aussi élevées que les tiennes puissent être nombreux ! »
Cet homme fut capable de comprendre que tous les attributs et qualités dont l’homme dispose, y compris sa beauté, sont des moyens permettant de dévoiler la présence de D.ieu, de glorifier Son Nom, en appliquant toujours plus et mieux Sa volonté.
En effet, nos qualités nous octroient des devoirs et non des droits. Le nazir par son sacrifice symbolise l’obligation de chacun d’entre nous de ne pas se méprendre en consacrant notre vie au service de nos atouts personnels mais en les érigeant comme emblème et moyens de notre service envers le Créateur.