Dans la paracha de ‘Hayé Sarah, nous assistons à la rencontre d’Isaac et de Rivka. L’occasion de découvrir la conception juive de la formation des couples. Deux êtres destinés l’un à l’autre, que toutes les circonstances séparent, seront appelés à se rencontrer, comme nous le montre une histoire vraie…
On trouve dans le Midrach (Béréchit Rabba 68 ; 4), l’histoire d’une bourgeoise romaine. Elle vint trouver un grand sage, Rabbi Yossé ben ‘Halafta et lui posa une question percutante : -En combien de jour D.ieu créa le monde ? -Six jours, répondit-il. -Et que fait-Il depuis ? Questionna-t-elle. -Il forme les couples, organise et choisit ceux qui construiront ensemble les générations futures… -Comment ? s’étonna-t-elle. Vous allez me dire que depuis la création du monde, D.ieu n’est occupé que par cette activité ? Mais c’est une chose très simple. Moi-même, je peux le faire ! J’ai un grand nombre de serviteurs et de servantes. Je vais organiser les mariages, et vous constaterez que cela ne nécessite pas tant de travail… Et elle se dirigea de ce pas pour prouver ses dires. Elle réunit tous ses serviteurs, plaça d’un côté les hommes, de l’autre les femmes, mille personnes dans chaque groupe, et se fit une joie de les marier au petit bonheur la chance. Mais après seulement quelques jours, les couples vinrent se plaindre à notre brave femme. Un premier serviteur lui dit : «Ma femme m’a insulté !» Une servante, en pleurs, se plaignit que son mari l’avait battue. Un autre vint et protesta contre le fait que sa nouvelle épouse lui avait crié dessus sans raison. Une autre encore voulait divorcer car son mari l’avait humiliée…
Circonstances imprévisibles
Devant cette situation inextricable, notre notable romaine revint voir le Rav et lui dit : « Votre Torah est une Torah de vérité, et je comprends maintenant pourquoi D.ieu, depuis qu’Il a créé le monde, travaille à former des couples qui pourront vivre dans la paix et l’harmonie. » Aider à la formation des couples, et ne pas abandonner cette mission essentielle au hasard des rencontres et des attirances passagères, n’est pas chose aisée pour les hommes. Seule la Providence permet la rencontre entre un homme et une femme, une rencontre qui durera toujours. Et la toute-puissance du Créateur lui permet de mettre en place des circonstances tout à fait particulières pour former des couples… tout à fait particuliers ! Une anecdote véridique, qui concerne l’un des grands commentateurs du Talmud, appelé d’après son acrostiche, le Rachach, Rav Chmouel Shtrachon zt’l va nous le montrer. Le Rachach n’était pas seulement connu pour son érudition : il avait un fond de prêt sans intérêt (gma’h), qui permettait aux plus démunis de pouvoir emprunter une certaine somme d’argent, sans s’appauvrir du fait des intérêts. Le système du gma’h est une véritable institution au sein de la société juive, et ce depuis des siècles. Le Rachach était aussi soucieux de prêter à tous ceux qui en avaient besoin, qu’il était scrupuleux pour récupérer l’argent, afin de le mettre à disposition de nouveaux emprunteurs.
Carnet de comptes
Un jour, un homme très pauvre, emprunta une grande somme d’argent. Il dût faire un effort surhumain pour rendre en temps et en heure son emprunt. Il alla trouver le Rachach, qui était plongé en pleine étude de la Torah. Inutile de dire qu’à son niveau, étudier la Torah lui demandait une concentration qui l’absorbait totalement. Même si cela ne se voyait pas de l’extérieur, l’érudit, au moment de l’étude, n’était pas tout à fait attentif aux petites vétilles de la vie quotidienne. Notre pauvre homme se rendit donc dans la maison d’étude (beth hamidrach) où le Rachach se trouvait et lui rendit l’argent emprunté, sans trop se faire remarquer, ne voulant pas déranger le grand Rav. Ce dernier reçut la somme, la plaça dans son livre et continua de se concentrer sur son étude. A la fin de la journée, encore absorbé par le traité du Talmud, il ferma son livre et partit, y laissant l’argent entre deux pages. Peu de temps après, le Rachach consulta son carnet de compte et s’aperçut que le pauvre homme n’avait pas remboursé sa dette au gma’h. Il s’adressa donc au débiteur pour qu’il s’acquitte de son devoir. Le pauvre homme affirma qu’il avait déjà rendu l’argent, et le Rachach le prévint qu’il devrait donc le poursuivre devant un tribunal rabbinique, le Beth-Din. Ce qu’il fit. Au tribunal, devant le récit des événements de deux parties et le manque de preuve du débiteur, le Beth-Din condamna ce dernier à rembourser sa dette.
Un mariage qui rétablit la vérité
Sur ces entrefaites, le Rachach retourna au beth hamidrach et dut, au cours de son étude, consulter à nouveau le même traité du Talmud. Quel ne fut pas son étonnement en trouvant de l’argent, glissé entre deux pages, somme qui correspondait avec exactitude au prêt qu’il avait fait à son débiteur ! Le Rachach fut tout à fait confus de son erreur. Il alla trouver le pauvre homme immédiatement, et s’adressa à lui dans ces termes : «Je me suis aperçu de mon erreur et je te prie de me pardonner. Mais maintenant, je t’ai causé du tort. Dans toute la ville, on pense que tu es un voleur. Je voudrais te présenter mes excuses et réparer le préjudice que tu as subi. Je te propose que l’on rassemble la ville toute entière, et que je te fasse mes excuses en public, en racontant les faits tels qu’ils se sont réellement déroulés. » Notre homme fit remarquer que réunir la ville était inutile : tout le monde allait penser que les excuses du Rav avaient comme unique objectif était de préserver la dignité d’un pauvre homme. Cette déclaration publique ne ferait donc pas changer d’avis les membres de communauté, qui continueraient de le suspecter et de le considérer comme malhonnête. Le Rachach réfléchit un instant, et trouva une idée. Il dit à notre brave homme : «Je crois me souvenir que tu as un fils qui est en âge de se marier, n’est-ce pas ? De mon côté, j’ai une fille qui a également atteint l’âge de fonder un foyer. Pourquoi ne pas les faire se rencontrer ?» Et c’est ainsi que le Rachach accepta de permettre la rencontre entre sa fille et le fils d’un homme simple et pauvre. Le rendez-vous eut lieu et s’avéra positif. Les deux jeunes gens se plurent et décidèrent de se marier. Le jour du mariage arriva, et eut un effet beaucoup plus concluant que des excuses publiques. En effet, personne ne pouvait penser que le Rav aurait accepté de marier sa fille à un homme malhonnête. Cette union disculpait donc totalement le débiteur. Cette anecdote véridique montre l’amour de la vérité et du respect pour autrui des grands Sages d’Israël. Elle révèle surtout que D.ieu ne manque pas de moyens pour que deux jeunes gens puissent se rencontrer.
Le créateur n’a aucune limitation de temps, ni d’espace, ni de situations prodigieuses, pour que deux êtres destinés l’un à l’autre, puissent se rencontrer et fonder un couple. Ainsi, des êtres tout à fait éloignés de par leurs rangs, leurs positions sociales, leurs origines ou encore leurs niveaux religieux, pourront se rencontrer pour former une famille juive, dans la paix et le bonheur.