Lorsque Noa’h voulu vérifier si le déluge (maboul) avait pris fin, il envoya de prime abord le corbeau en éclaireur. Le verset dit que le corbeau allait et revenait.
Rachi d’expliquer que ce corbeau tournoyait autour de l’arche sans accomplir sa mission. C’est uniquement lorsque Noa’h envoya la colombe, qu’il put avoir la réponse tant attendu. En effet, la colombe, contrairement à son homologue corbeau, accomplit sa mission et lui annonça la fin du déluge.
De cet épisode, que la Torah a prit le soin de nous relater, nos Sages ont appris que le corbeau est un animal qui n’est pas fiable alors que la colombe (yona) est un être fidèle, dont la parole est sûre.
Dans le Talmud (traité Guitine, page 45), on nous fait part de l’histoire de Rav Hillich, qui avait été pris en captivité par des non-Juifs. En prison, il résida avec d’autres non-Juifs prisonniers. Un jour, il entendit un corbeau qui croassait.
Il se trouvait que l’un des détenus comprenait le langage des animaux, chose relativement répandu à l’époque. Rav Illich le questionna pour savoir que voulait dire le corbeau. Le prisonnier répondit à Rabbi Illich immédiatement et lui délivra le message codé.
«Illich, disait le corbeau, enfuis-toi, c’est le moment. Ne rate pas cette occasion…»
« Enfuis-toi ! »
Mais Rabbi Illich n’écouta pas l’animal qu’il savait être un menteur, un manipulateur à la parole trompeuse. Par contre, lorsqu’une colombe vint juste après pour roucouler, Rabbi Illich se montra plus intéressé. Il questionna à nouveau le détenu et celui-ci lui révéla, comme il l’avait fait pour le corbeau, le message de la colombe :
«Rav Illich, disait la colombe dans son langage. Enfuis-toi et n’attend pas.»
Rabbi Illich déclara alors que le peuple juif ressemble à la colombe : elle est fiable et l’on peut lui faire confiance. Ainsi, il suivit son conseil et parvint à s’enfuir.
Nos Sages s’interrogent : comment Rabbi Illich pouvait-il questionner un prisonnier qui n’était certainement pas un homme très recommandable ? Et si ce repris de justice avait, pour une raison ou une autre, intérêt à lui mentir, Rav Illich prenait donc le risque d’être pris par ses geôliers, encourant une peine peut-être encore plus lourde ?
La réponse à cette question est qu’en fait, Rabbi Illich comprenait lui aussi le langage des animaux!
Et s’il connaissait le langage du corbeau et de la colombe, il connaissait mieux encore le caractère des hommes. Il savait que les êtres humains n’entendent que ce qu’ils veulent, ne comprennent que ce qu’ils sont capables d’assumer.
Et même dans son cas, alors qu’il était un amora (un sage du Talmud, érudit et accompli dans le perfectionnement du caractère), ce danger le guettait et il aurait pu mal comprendre le message des oiseaux. C’est la raison pour laquelle il demanda à son compagnon d’infortune de lui traduire les croassements et les roucoulements, afin d’obtenir une confirmation de ce qu’il avait entendu.
Peut-être son envie d’évasion étant si grande qu’il avait mal compris le conseil de la colombe?
Cette attitude de Rabbi Illich nous enseigne une leçon capitale : si un grand Sage d’Israël doit se méfier de lui-même, combien devons-nous, nous qui n’avons pas sa carrure spirituelle, avoir peur de nos réactions et de notre compréhension des événements !
En effet, nos intérêts et nos penchants peuvent fausser notre discernement.