Si l’idée communément admise est que plaisir vient de la facilité, la réalité est toute différente.
En effet, que ce soit un fait avéré par les enseignements de nos Sages ou par les plus récentes études sociologiques, le plus grand plaisir se trouve quand l’être humain produit un effort, et qu’il se bat pour une cause importante.
«Si vous suivez mes préceptes…», nous dit D.ieu dans la paracha de cette semaine, concluant cette phrase par des bénédictions et des promesses de bienfaits.
Les commentaires de nos Sages expliquent que l’expression «suivre les préceptes de D.ieu» signifie investir tous les efforts possibles dans l’étude de la Torah.
Une histoire ‘hassidique va illustrer concrètement cette idée.
Un jour, l’un des élèves, l’un des ‘hassidim de Rav Aaron-Leib de Frimichlan, avait dû partir en voyage d’affaire. Il devait passer par la ville de Lijensk. En organisant son voyage, il décida de faire escale dans cette ville où résidait un très grand Rabbi, le Rav Eliméle’h de Lijensk1, dont son Rav lui avait tant parlé.
Arrivé dans la ville, il alla se présenter à la demeure du Rabbi, qui l’invita pour chabbath, et qui lui posa subitement une question qui le mit très mal à l’aise.
Vous êtes un élève du Rav de Frimichlan, n’est-ce pas ? Alors dites-moi donc pourquoi votre maître, Rav Aaron-Leib, est tellement orgueilleux ! Et non content de lui avoir posé cette surprenante question une première fois, il la lui posa encore à deux reprises, lors des deux autres repas de chabbath.
A chaque fois, notre pauvre ‘hassid ne savait que répondre et se sentait de plus en plus gêné. Et son malaise n’alla qu’en augmentant lorsque le grand Rav lui dit : Tu diras à ton maître qu’il ne doit pas continuer à être orgueilleux !
Quand notre commerçant fut de retour dans sa ville, il fut très embarrassé. Il savait que son Rav allait le questionner sur son voyage, et sur sa rencontre avec le Rav Eliméle’h, lui demandant de lui rapporter les paroles qu’ils s’étaient échangées. Sachant qu’il n’aurait pas d’autre choix que de lui dire la vérité, il se prépara donc à tout lui dire. Et en effet, c’est ce qui se passa.
Une enquête ‘hassidique
Quand il révéla à Rav Aaron-Leib que Rav Eliméle’h avait dit de lui qu’il était prétentieux, ce dernier éclata en sanglots : Malheur à moi ! Ce juste, ce tsadik a dû voir quelque chose en moi, et de mon côté, je ne sais pas quelle est ma faute…
Je suis tellement ignorant que je n’arrive même pas à voir de quoi il s’agit !
Le Rav Aaron-Leib alla trouver son épouse et avoua qu’il se sentait bien vieux et bien fatigué pour voyager jusqu’à Lijensk, mais qu’il devait se résoudre à entreprendre ce voyage pour connaître les raisons qui avaient poussé le Rav Eliméle’h à de telles révélations.
Finalement, son épouse décida de voyager avec son mari, et dès le lendemain, ils partirent en direction de Lijensk. Ils arrivèrent à destination le vendredi en fin de journée, et achetèrent précipitamment du vin, des ‘haloth et des bougies pour célébrer le chabbath dans leur hôtel, car le Rav Aaron-Leib pensa que le Rav Eliméle’h ne souhaiterait sans doute pas l’inviter à sa table, vu ce qu’il pensait de lui.
Mais il décida d’aller le saluer à la synagogue, pour pouvoir lui demander en quoi il était prétentieux, et de lui enseigner les moyens de changer.
La synagogue était bondée des ‘hassidim du Rav Eliméle’h. Le Rav Aaron-Leib se fraya un chemin jusqu’au grand Rav, lui tendit la main, la tête basse, lui souhaita un bon chabbath et, honteux, se retira hâtivement, sans attendre de réponse.
Le Rav Eliméle’h n’eut pas le temps de lui parler que déjà, la foule qui l’entourait se refermait sur lui. Une fois que l’office fut terminé, il demanda à ses ‘hassidim où se trouvait le Rav Aaron-leib, invité de marque qu’il voulait absolument inviter pour chabbath.
Ses élèves le cherchèrent mais ne le trouvèrent pas. Ils revinrent bedeaux. Mais le Rav Eliméle’h n’abandonna pas pour autant. Il leur dit : On ne fera pas le kiddouch du vendredi soir, avant qu’on ne l’ait trouvé. Je souhaite ardemment qu’il soit mon invité.
C’est ainsi qu’après de véritables investigations, les élèves de Rav Eliméle’h trouvèrent enfin le Rav Aaron-Leib. Ils le convièrent, lui et sa femme, au nom du Rav Eliméle’h, qui les reçut avec tous les égards.
La supplique du prophète Elie
Et lors du premier repas de chabbath, le Rav Eliméle’h lui posa la question : Dites-moi, Rav Aaron-Leib, jusqu’à quand allez-vous rester orgueilleux ? Très gêné d’aborder cette question en public, ce dernier resta muet. Et à chacun des repas de chabbath, le Rav Eliméle’h lui reposait la question si douloureuse. Enfin, avant de partir, le Rav Aaron-Leib trouva un moment pour parler plus tranquillement avec le grand Rav.
Cher maître, je ne comprends pas pourquoi vous dites de moi que je suis orgueilleux. Et pourquoi me faites-vous cette critique en public, et avec tant d’insistance ? Avez-vous vu, ou avez-vous eu connaissance d’un événement particulier ?
Eh bien, lui répondit Rav Eliméle’h. Eliahou hanavi2 est venu se plaindre auprès de moi, car à plusieurs reprises, il s’est présenté à vous pour vous enseigner la Torah, et vous avez toujours refusé. C’est pour cette raison que je dis de vous que vous êtes orgueilleux, car il m’a supplié d’intercéder auprès de vous, afin que vous acceptiez enfin d’étudier la Torah avec lui.
C’est vrai, je ne peux le nier, avoua Rav Aaron-Leib. J’ai refusé plusieurs fois d’étudier avec lui.
Pourquoi ? Quel toupet !
Je ne crois pas. Si j’ai refusé, c’est tout simplement parce qu’étudier avec Eliahou hanavi c’est recevoir facilement des secrets, des révélations. Or, la Torah, je veux l’étudier et la comprendre dans l’effort, je veux travailler et me donner du mal pour elle. Car il n’y a pas de meilleur goût, ni de plus grand plaisir, que de découvrir des secrets de la Torah par ses propres efforts.
Ainsi répondit Rav Aaron-Leib à Rav Eliméle’h, lui livrant un message riche en sagesse.
Investir ses efforts dans l’étude, ne pas chercher la facilité dans une ère du clic et des soupes instantanées, une époque où l’on peut acheter et obtenir, visiter et communiquer de son canapé, c’est le secret et la garantie de toutes les bénédictions.
Le prophète Elie, qui n’est jamais mort vient, au-delà de l’espace et du temps, à la rencontre des Juifs pour leur apporter des secrets de Torah, des messages de paix, ou encore pour les aider.