D’une allusion de Moché Rabbénou, nous allons pouvoir tirer une leçon de vie essentielle : comment faire une critique constructive.
De la réaction du peuple juif, nous allons pouvoir perfectionner notre caractère : en sachant accepter un reproche…
Le livre de Devarim est surnommé Michné Torah, littéralement : la seconde Torah.
En effet, comme le précise Na’hmanide dans son introduction, ce livre reprendra presque exclusivement des prescriptions déjà mentionnées dans les quatre livres précédents du Pentateuque.
Devarim a la particularité d’avoir été écrit par Moché Rabbénou, quelques jours avant qu’il ne quitte ce monde, sans la dictée de D.ieu, mais avec Son accord pour que ce livre fasse partie intégrante et consubstantielle du Séfer Torah.
Le premier verset de Devarim peut paraître étrange : « Voici les paroles de Moché s’adressant à l’ensemble du peuple juif de l’autre côté du Jourdain dans le désert, dans la vallée, en face de Souf, entre Paran et Tofen (…) ».
Rachi souligne qu’il est curieux que l’on puisse se trouver à différents endroits au même instant. D’autant que certains de ces lieux n’ont jamais été mentionnés ailleurs dans la Torah : on ne sait donc pas de quel endroit il s’agit.
Le commentaire midrachique révèle que cette énumération géographique est une allusion aux différents lieux qui n’ont pas été bénéfiques au peuple juif, c’est-à-dire des lieux où les Bné-Israël ont commis des fautes (averoth). C’est la raison pour laquelle ce verset emploie le mot devarim, plutôt que d’utiliser la forme classique : «vayomer Moché» (Et Moché dit…).
Vayomer vient de la racine amira, qui signifie également parler, mais qui renvoie à la dimension de ra’hamim(miséricorde). A l’inverse, devarim vient de la racine dibour, qui renvoie à une notion de din, la justice.
Aussi, dans ce verset qui rappelle les fautes du peuple juif, il est plus adéquat de conjuguer la parole avec la rigueur. Moché joue dans ce livre un vrai rôle de prophète : quelques jours avant sa mort (36 exactement selon le Or Ha’haïm), il vint réprimander le peuple juif.
Mais pourquoi le fit-il de manière allusive et ne s’exprima-t-il pas directement ? Le Midrach répond que cette façon allusive de s’adresser au peuple juif en citant des noms de lieux rappelant ses fautes, avait été choisie par Moché pour respecter l’honneur d’Israël. En effet, s’il l’avait fait de manière plus directe, il eut pu les blesser. Et on le sait, le propre de la réprimande consiste à permettre l’amélioration et le perfectionnement de l’autre, sans le heurter ni le faire souffrir.
Critique allusive
Le Midrach pose une question : «Dans notre paracha, Moché rabbénou fait des reproches au peuple juif alors que, l’on s’en souvient, dans la paracha de Balak, Bilam, prophète des Nations a, quant à lui et malgré lui, adressé des bénédictions et des paroles agréables au peuple juif. Pourquoi n’est-ce pas Moché notre maître qui nous adressa des bénédictions et Bilam, qui cherchait à nous anéantir, qui nous affligea des malédictions ?»
Le Midrach nous aide à répondre à cette question : y a-t-il plus grandes bénédictions que celles prononcées par celui qui méprise le peuple juif, Bilam !
Et, existe-t-il des critiques plus constructives que celles émises par le berger des Bné-Israël, qui n’a cherché durant toute sa vie que le bien de son peuple, Moché Rabbénou !
Le poids des mots dépend donc de la relation qui existe entre celui qui les dit et celui à qui on les adresse.
De ce verset, nous pouvons donc tirer une leçon de vie essentielle pour notre perfectionnement personnel : tout d’abord, il faut apprendre à être allusif pour faire entendre les messages critiques, dans l’espoir que notre interlocuteur prenne conscience de ses éventuels défauts et parvienne à les corriger.
Ensuite, il faut avoir préalablement réussi à exprimer une proximité, un attachement, un amour profond, afin que nos paroles soient accueillies avec un sentiment positif. Ce fut la réussite de Moché Rabbénou, qui était tellement apprécié qu’il pouvait se permettre de faire des critiques qui atteignaient leur objectif : améliorer le caractère de ses contemporains.
Espérons être capables, comme Moché Rabbénou, à notre niveau, de faire des critiques constructives quand cela s’impose, et surtout de savoir, comme ont su le faire les Bné-Israël, les entendre et en tenir compte quand on nous en adresse. C’est ce qui permet le perfectionnement, l’élévation de l’âme et c’est certainement une attitude qui nous permettra très bientôt d’arriver à l’avènement du Messie, bimhéra beyamenou, Amen.