Qu’est-ce que la sainteté ? Comment y parvenir ? Dans notre société moderne, ce concept a quasiment perdu tout son sens, et peut même paraître désuet. Comment alors acquérir cette qualité, qui nous permettra en réalité de nous rapprocher de D.ieu et donc d’atteindre le vrai bonheur ? « Kedochim tihiyou : vous serez saints. » Les premiers mots de notre paracha sont capitaux mais un peu énigmatiques. En effet, qu’est-ce que la sainteté ? Quels sont les moyens qui vont nous permettre de l’acquérir ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la sainteté (kedoucha) ne réside pas seulement dans l’application des prescriptions de la Torah, les mitsvoth, mais plus encore en nous restreignant par notre propre volonté à l’intérieur même du cadre de ce qui est permis. On respecte l’interdit ordonné par D.ieu, mais on cherche même à s’interdire certaines choses permises par la Torah. On va le découvrir, il ne s’agit pas de « se faire mal », mais au contraire de bien se connaître pour ne pas se tromper soi-même… Le gigantesque commentaire de Na’hmanide au début de la paracha de Kedochim nous révèle le secret de la sainteté : « Sanctifie-toi par ce qui est permis », nous dit-il, sous-entendant que ce n’est pas uniquement dans le fait de s’abstenir des interdits et d’appliquer les bonnes actions que l’on aura accès à la sainteté. Un vin interdit La sainteté se cache justement dans la volonté de l’homme de s’abstenir de certaines choses permises. Le Midrach nous offre à ce sujet une parabole. Un roi avait une cave à vin. Il y plaça des gardiens afin de veiller sur ses précieuses bouteilles. Certains aimaient boire du vin, les autres au contraire ne supportaient pas l’alcool. A la fin de la journée, au moment d’être payés, les uns reçurent leur rémunération normalement, alors que les autres eurent la bonne surprise de recevoir un double salaire. « Pourquoi avoir fait une telle différence ? », demandèrent les moins rémunérés. Le Roi leur répondit qu’il avait dû être beaucoup plus difficile pour ceux qui aimaient le bon vin de devoir garder cette cave en s’abstenant de boire. La journée avait dû leur sembler longue, en luttant contre leur envie, et sans succomber à la tentation. Pour les autres, ce travail avait dû être plus simple. Une première lecture de ce Midrach pourrait nous faire penser que la sainteté s’acquiert en respectant les prescriptions du Roi et les interdits qu’il a établis. Mais Na’hmanide nous permet une lecture plus profonde. Chacun avec nos goûts, nos attirances, nos faiblesses, nous aimons tous un vin particulier. Et nous savons tous que certaines choses, qui pourtant sont permises par la loi pure, sont pour nous un breuvage dangereux, et ne nous permettent pas de grandir. Être saint, c’est savoir qui l’on est, pourquoi l’on fait les choses, et savoir s’arrêter, même quand la loi générale le permet. Il ne s’agit pas d’en faire toujours plus, car dans certains domaines, celui qui se connaît vraiment n’aura pas à s’interdire le permis… La double-rémunération On retrouve cette idée de la double-rémunération dans la prière du matin. « Kadoch, Kadoch » (« Saint, Saint ! ») dit-on, pour désigner la sainteté des hommes. Alors que pour les anges, on ne le dit qu’une seule fois. Pourquoi ? Parce que l’homme a un mauvais penchant et que l’ange n’en a pas. L’homme doit lutter contre la tentation, c’est ce qui va lui apporter l’occasion de la sainteté. Les anges ont, dans ce domaine, un moins grand niveau que l’homme. Le monde créé par D.ieu, un monde où chaque chose est permise ou interdite, nous offre l’occasion d’être, comme le dit Na’hmanide : « ignoble mais avec la permission de la Torah ». Un personnage peu recommandable avec un tampon casher. En effet, on peut exécuter la loi stricto sensu et pour autant ne pas atteindre la sainteté. Car celui qui connaît la loi peut parvenir à satisfaire ses pulsions les plus basses, à l’intérieur même du cadre du permis. On peut devenir alcoolique avec du vin casher… Il faut donc, à chaque instant, chercher le sens de la loi avec honnêteté, sans transigeance, et en se connaissant bien. Un homme saint, c’est celui qui a compris qu’il ne faut pas profiter de toutes les permissions. Avoir le sens de la mesure, faire preuve de retenue et de tempérance, savoir s’autolimiter, c’est comprendre que ce monde est un vestibule : être saint, c’est comprendre que les mitsvoth donnent une direction, indiquent le chemin à suivre. A nous d’aller plus loin, de nous sanctifier en s’interdisant certaines choses permises pour ressembler à Celui qui est le plus saint de tous, notre Créateur, et qui nous dit : « Je suis saint ».