Une dispute éclate. Il est très difficile de rester neutre et de ne pas y prendre part. Dans la paracha de Kora’h, ennemi déclaré de Moïse, on nous montre l’exemple… à ne pas suivre !
Cette paracha porte le nom d’un rebelle au sein du peuple juif : Kora’h.
Cousin de Moché et d’Aaron, Kora’h, animé par la jalousie et l’ambition à la grande prêtrise, organisa une propagande afin de rallier à son projet deux-cent cinquante hommes. Son but était de provoquer un soulèvement contre Moïse, qui avait pourtant été choisi par D.ieu pour diriger le peuple juif, et contre Aaron, à qui D.ieu avait confié la grande prêtrise.
Comme le disent nos Sages : Sof maassé bema’hachava te’hila, une action se définit par l’intention qui l’engendre. Dans le cas de Kora’h et de ses acolytes, leurs ambitions étant exclusivement égoïstes, et aucunement dirigées vers un but d’élévation spirituelle: ils seront donc engloutis sous la terre. Ils auront une mort, qui n’aura été celle d’aucun être vivant depuis la création du monde.
Cette mort particulière et surnaturelle vient prouver que Moïse et Aaron avaient été choisis pour leur humilité et leurs qualités intrinsèques, et ne s’étaient pas octroyés arbitrairement les titres qui furent les leurs.
Au tout début de la paracha, on fait la connaissance d’un homme, Ône ben Peleth, qui fait partie des amis de Kora’h, mais qui n’apparaît plus dans la suite des événements.
Le Midrach Rabba sur la paracha nous rapporte que cet homme fut sauvé par les bons conseils de sa femme. Il gardera malgré tout son nom, Ône, qui constitue la racine du mot aninout : le deuil. En effet, même après s’être détaché de sa faute, qui le fit se rebeller contre Moïse et Aaron, et indirectement contre D.ieu, il en portera le deuil.
Sagesse pragmatique
Pour revenir aux conseils de la femme d’Ône ben Peleth, que lui a-t-elle donc fait comprendre ? Le Midrach rapporte qu’elle lui dit, avec une sagesse toute pragmatique: «Kora’h fait partie de la tribu de Lévy. Son intention est donc de revendiquer sa place de Grand Prêtre (Cohen Gadol). Quel intérêt aurais-tu de t’impliquer dans cette querelle ? De deux choses l’une : si Aaron garde son statut de grand prêtre, tu seras l’un de ses disciples, et tu n’obtiendras pas la prêtrise. Si c’est Kora’h qui l’emporte, toi qui ne fais pas partie de la tribu de Lévy, tu ne pourras pas non plus prétendre à ce poste. Dans tous les cas de figure, tu n’as aucun intérêt à cette polémique.»
Ces bons conseils n’ayant malheureusement pas été suffisants, elle le fit boire un peu, afin que le sommeil l’empêche d’entendre quand Kora’h et ses amis vinrent le chercher. Repoussés par tous les moyens, grâce au courage et à la vaillance de cette femme, Kora’h et ses complices repartirent bredouilles, sans avoir réussi à emmener avec eux Ône ben Peleth, sans être parvenus à l’entraîner dans leur complot révolutionnaire. Grâce à cet épisode célèbre de la Torah, nous apprenons une idée fondamentale.
Dans le Traité des Pères (Pirké Avoth), nos Sages définissent cette dispute de Kora’h comme étant l’archétype de la dispute chelo lèchem chamayim, c’est-à-dire : n’étant pas motivé par la sanctification du Nom de D.ieu.
Faire régner la paix
A l’inverse, lorsque Hillel et Chamaï vont avoir des différences de vues, et s’affronter lèchem chamayim, ce sont leurs noms propres qui sont cités et non pas ceux de leurs élèves. Pourquoi ? Tout simplement parce que les enjeux d’une discussion n’ont pas toujours une incidence directe pour ceux qui sont liés, de près ou de loin, à la dispute, en dehors des protagonistes eux-mêmes.
Il existe donc de grandes discussions, des divergences d’opinions, plus honorables bien sûr que celle de Kora’h contre Moïse et Aaron, mais dont on ne peut pas connaître les tenants et les aboutissants, les réelles motivations des acteurs du débat. Que ce soit des discussions lechem chamayim ou pas, nous avons le devoir de nous en éloigner. Dans notre quotidien, nous devons toujours nous poser la question : «Ai-je un intérêt personnel à me mêler à cette affaire ?»
C’est en répondant à cette question, qui trouvera la plupart du temps une réponse négative, qu’on pourra respecter deux commandements. Celui d’abord de ne pas initier une dispute et en devenir l’instigateur. Ensuite, même quand la dispute a explosé, le commandement qui consiste à adopter une attitude conciliante. C’est ce que fit Moïse, l’homme le plus humble de tous les hommes, qui alla lui-même rendre visite à Dathan et Aviram, ses ennemis déclarés, complices de Kora’h dans sa rébellion, pour essayer de trouver un terrain d’entente et de faire le chalom.
Par ces enseignements de Torah, gageons qu’avec l’aide de D.ieu, nous puissions faire régner la paix, Hachem yevare’h eth hamobachalom : D.ieu bénit son peuple dans la paix (Psaumes 29 ; 11).